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Photo du rédacteurLéa Evey

La valeur d'un enfant

Un texte de Léa Evey

On a parlé de continuer l’école au-delà de fin juin, parce que c’était bon pour la relance.

Comme si, nos enfants, ne méritaient, après cette phase anxiogène et compliquée pour eux, que d’être une variable d’ajustement, permettant à l’économie de tourner.

Comme si, dans ce temps devenu élastique, on pouvait faire fi de ce qui les maintient à flots: faire des projets, rêver à ce que juillet ne soit pas comme avril, que les vacances d’été soient plus gaies que celles de Pâques, qu’elles existent, tout simplement.

On a parlé de nos enfants comme s’ils étaient transparents, inutiles dans leur essence, un problème, en fait, pour leurs parents, qui devraient s’en occuper et ainsi, renoncer à faire tourner l’économie.


On a parlé d’eux comme s’ils n’étaient que les enfants de salariés, de travailleurs forcenés, de ressources humaines, et non, des fils et filles de personnes devant, elles aussi, se remettre d’une crise sans précédent, entre sentiment d’être revenu au Moyen-Age ou pendant la Guerre, déception sur l’état de notre Etat, et anxiété, sur le temps à gérer, l’intimité, parfois non pas retrouvée mais trouvée, et bien entendu, l’avenir. De confinement en confinement ? Avec quel impact ? A commencer par celui sur notre santé mentale, notre foi dans le contrat social, nos rêves parfois devenus tout décolorés, sans sens, soudain si éloignés.

On parle maintenant de commencer le déconfinement par l’école.

Comme si, on pouvait tenter une expérience sanitairo-scientifique avec nos enfants. Comme si, ce n’était rien, juste une anecdote, un fait sans importance. On ne sait pas très bien où on en est ni où on va, mais on propose de commencer avec vos enfants.

D’accord ? Vous êtes partants ? Faites pas les chochottes, soyez confiants : on va les mettre dans ces classes grandes comme vos salles-de-bains, où ils s’entasseront à 23, et ça va aller. Social distancing, on verra, pas de bisous aux profs, ça c’est sûr faut éviter les grèves (ça ne va pas avec la relance). Et tant pis si, à cet âge-là, l’institutrice, c’est tout un monde.



Comment ? Ils pourraient être traumatisés si jamais un prof a le covid ? Croire que c’est leur faute, avoir de l’anxiété à nouveau et en plus fort, se stresser pour eux, leurs copains, leur mamy ? Oui, bon, on verra : il faut bien commencer à se rapprocher les uns les autres, non?

Et puis, ils auront des masques. Si, si, ayez confiance, on en trouvera. Des vrais. Des « qui marchent ». Et si pas, on en inventera. Ca fera des chouettes ateliers bricolage, non ? Des masques en filtre à café, des masques en vieilles chaussettes, des masques en chapeaux pointus de carnaval. Ils vont bien aimer, vos enfants, vous allez voir, ça aura un air de fancy-fair, et ils regarderont des tutos sur YouTube, belle ouverture au monde, voir initiation à l’anglais.

Non.

Comment ça, non ?

Non. Voilà. Non, un point c’est tout. Mes enfants ne sont pas une variable d’ajustement aux budgets. Mes enfants ne sont pas des cobayes.

Le bon sens populaire appelle les enfants « la prunelle de nos yeux ». Mes enfants sont la chose la plus précieuse sur Terre à mes yeux. Et quiconque a des enfants aura le même discours. Investir en eux, les élever (dans tous les sens du terme), les outiller pour qu’ils puissent bâtir demain la société dont nous avons besoin, à force de créativité, d’imagination, de collaboration et de valeurs humaines fortes, est mon projet de vie.


Il faut vivre dans une société malade pour ne plus s’en souvenir.


Ou pire : pour le savoir mais détourner le regard.



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