Un texte de Marc Chambeau
Quatre jours. Seulement quatre jours qu’elle est enfermée chez elle. De la chaise de la cuisine jusqu’au fauteuil devant la fenêtre, et puis dans le sens inverse. Et on dit à la radio que ça va durer des semaines. Elle n’a pas l’habitude de rester à ne rien faire. Septante-huit ans. Et soixante-quatre à travailler. Et ce n’était pas fini. Enfin, elle espère. Cet enfermement lui fout un coup au moral… Elle se sent fatiguée. Très fatiguée… Quatre jours comme ça, et déjà plus le goût à rien.
Elle se rassied dans la cuisine. Retourne encore une fois les pages du programme télé. Y a rien qui l’intéresse dans le programme. À la fenêtre de la rue, elle regarde les voitures passer. Mais elles passent trop vite. Et il n’y en pas beaucoup. Douze en une heure, elle a compté. Pour passer le temps. D’habitude il y a aussi des gens qui passent. Les voisins lui disent bonjour. Elle-même marche beaucoup dans le village. Pour aller nettoyer les maisons des autres. Pour aller faire des courses. Mais là, rien…
Elle sent un poids qui écrase ses épaules. Elle devrait peler ses deux patates. Mais elle n’en a pas le courage. Ça doit être la première fois depuis plus de septante ans qu’elle manque de ce courage. Elle mangera une tartine. Sans margarine. Y en a plus dans le frigo. Et puis elle ira dans son lit. Pour peut-être dormir. Au moins quand elle dort elle ne pense pas.
Mais elle dort mal avec toutes ces histoires.
Comments